Alabama, Géorgie, Ohio, Kentucky, Mississippi, Louisiane… Ce n’est pas la première fois qu’un État américain tente de restreindre le droit à l’avortement. Le Guttmacher Institute, qui fournit des statistiques sur le contrôle des naissances et l’avortement aux États-Unis et dans le monde, avait recensé en 2019 plus de trois cents mesures restreignant l’avortement dans pas moins d’une trentaine d’États nord-américains. Ces tentatives avaient toutes été retoquées par la Cour suprême.
Mais l’année 2021 pourrait bien marquer la fin du sursis pour le droit à l’avortement aux États-Unis. La loi dite du « battement de cœur » (« heartbeat act ») entrée en vigueur au Texas le mercredi 1er septembre, ouvre la voie à une remise en cause de près de cinquante ans de jurisprudence protectrice du droit à l’avortement aux États-Unis. Votée au printemps dernier par l’assemblée de l’État du Texas, historiquement conservateur, la mesure interdit tout avortement, même en cas de viol ou d’inceste, dès que l’activité cardiaque du fœtus débute – soit à partir de six semaines de grossesse environ – soit quand la plupart des femmes ignorent encore être enceintes ! Et cette fois-ci, la Cour suprême a refusé de suspendre le texte, pourtant en apparente contradiction avec la protection garantie par l’arrêt Roe v. Wade, un texte majeur de l’histoire juridique américaine. Ce dernier, adopté par la plus haute juridiction du pays en 1973, considère en effet l’avortement comme un droit à la vie privée sur lequel le gouvernement ne peut intervenir pendant le premier trimestre de grossesse.
Pour justifier sa décision prise à une courte majorité de cinq magistrats sur neuf, dont trois ont été choisis par Donald Trump, la Cour suprême a invoqué « des questions de procédures complexes et nouvelles ». Cet arbitrage représente donc aussi une victoire a posteriori pour l’ancien président et ses alliés conservateurs. « Les Républicains avaient promis de faire tomber Roe v. Wade et ils ont réussi », a immédiatement tweeté l’élue démocrate Alexandria Ocasio-Cortez.
Il faut savoir que près d’un demi-siècle après l’arrêt Roe v. Wade, le droit à l’avortement divise toujours le pays, avec une forte opposition à l’IVG dans les milieux religieux, et constitue un puissant instrument de mobilisation des électeurs conservateurs. Dans un sondage publié le 1er septembre dernier par la chaîne NBC, 54 % des Américains estiment que l’avortement devrait être légal et 42 % illégal.
Hormis la question du droit, l’accès à l’avortement représente un problème de taille Outre-Atlantique. Selon Amnesty International, 27 grandes villes des États-Unis et une bonne partie de l’Amérique rurale disposent de très peu de cliniques pratiquant l’IVG : la plupart des habitants vivent à plus de 160 kilomètres de telles structures médicales.