À 40 ans, Jacinda Ardern collectionne déjà les records. En 2008, elle fut, à 28 ans, la plus jeune députée de l’histoire néo-zélandaise. En 2017, elle devint la plus jeune cheffe de gouvernement de son pays depuis 1856. Lors des élections législatives du 17 octobre dernier, elle a conduit le centre gauche à une victoire électorale d’une ampleur inédite. En remportant 49 % des voix – le meilleur score du Parti travailliste depuis 1946 –, elle est la première responsable, depuis l’adoption du système électoral actuel en 1996, à pouvoir diriger le pays sans avoir à former de coalition pour disposer d’une majorité parlementaire.
Autre record ? Elle est la deuxième dirigeante à accoucher en cours de mandat, vingt-huit ans après la Pakistanaise Benazir Bhutto. Une image de jeune mère qu’elle assume, puisqu’elle est également la première chef d’État à avoir amené son bébé de trois mois à l’Assemblée générale des Nations Unies, déclarant aux journalistes :
J’ai choisi d’allaiter ma fille donc il faut bien qu’elle soit là, avec moi, pour que je la garde en vie. […] J’ai décidé de combiner ma vie de mère avec ma vie professionnelle. Comme quoi, on peut faire les deux.
Jacinda Ardern a grandi dans une petite ville, Morrinsville, où son père était policier. Élevée dans une famille de mormons, elle se détourne de cette confession à 25 ans parce qu’elle estime cette doctrine trop homophobe. Cette défense des droits des homosexuels la conduira à participer publiquement à une Gay Pride à Auckland en 2018. Et devinez quoi ? Cela fera d’elle la première Première ministre de Nouvelle-Zélande à afficher de cette façon son soutien à la communauté LGBT+.
Mais c’est de sa capacité à gérer les situations de crise que Jacinda Ardern tire avant tout sa popularité, en Nouvelle-Zélande comme à l’international. Éruption volcanique, tremblement de terre, massacre ou pandémie… La cheffe du gouvernement s’est distinguée à chaque fois en affichant un leadership qui mêle compétence, fermeté et empathie. Loin de l’image de la jeune femme sensible véhiculée par les médias au début de sa carrière politique, son sang-froid impressionne.
Ainsi, le 16 mars 2019, au lendemain de l’attentat visant deux mosquées de la ville de Christchuch, au cours duquel 51 personnes furent tuées, elle se rend auprès des blessés, couvrant ses cheveux par respect. Cette image de la cheffe d’État émue fait le tour du monde. « L’Amérique a besoin d’un leader comme Jacinda Ardern », écrit alors le New York Times. Un mois après la tuerie, le Parlement vote une loi interdisant la vente et la détention de fusils d’assaut et semi-automatiques. Pour faciliter sa mise en place, un système de Buy-Back est adopté, l’État rachetant les armes à la population.
Mieux encore, sa gestion de la crise du coronavirus fait figure d’exemple pour de nombreux pays. En décembre 2020, la Nouvelle-Zélande ne compte en effet que 1 900 cas de Covid-19, et déplore seulement 25 morts, pour 5 millions d’habitants. Déconfiné en mai 2020, le pays a connu une nouvelle vague en août, maîtrisée en trois semaines.
Cette popularité extrême a fait naître des néologismes tels que « Jacindamania », l’« effet Jacinda », ou « Jacindarella ». Mais la Première ministre garde la tête froide. Parlant de la chute de Tony Blair en 2006, elle dit :
On peut avoir une énorme carrière en politique et soudain pouf. C’est comme ça. C’est fini et on est fini.
Lucide avec ça…