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L’éducation des filles, un enjeu pour le développement en Afrique

En temps de Covid-19, les filles ont déserté les bancs des écoles pour aider leurs familles à se nourrir. L’éducation des filles est pourtant un enjeu majeur du développement économique de l’Afrique, selon les associations et les ONG présentes sur place.

Publié le 25/02/2021 à 9:00

11 millions d’écolières manquent à l’appel depuis la rentrée de septembre 2020 en Afrique, particulièrement en Afrique subsaharienne, selon l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). Les filles sont en effet les premières victimes collatérales de la crise sanitaire, à l’origine d’une crise économique profonde. Au printemps 2020, les maîtres et les maîtresses se sont tus, privant 1,5 milliard d’écoliers et d’écolières de l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et des mathématiques. La déscolarisation des élèves durant quatre mois a entraîné une déperdition importante dans l’acquisition de connaissances, selon Fabien Pagès, directeur de l’association française Res Publica.

Tous ne sont pas revenus après le confinement. Pour aider leurs familles à subvenir à leurs besoins, ces enfants ont travaillé sur les marchés, dans les champs ou à la maison, s’éloignant ainsi durablement de l’école.

Certaines jeunes filles ont même été mariées et s’apprêtent à devenir mères de famille. L’Unesco constate que « les grossesses chez les adolescentes pourraient empêcher 1 million de filles de retourner à l’école en zone subsaharienne ». Déjà avant la pandémie, l’Institut de statistique de l’Unesco soulignait que 9 millions de filles de 6 à 11 ans vivant en zone subsaharienne n’étaient pas scolarisées et ne le seraient sans doute jamais, cantonnées à un rôle exclusivement domestique.

 

Un besoin de main d’œuvre éduquée et qualifiée

L’éducation est l’un des vecteurs les plus puissants de lutte contre la pauvreté. L’économiste américain Theodore Schultz, prix Nobel d’économie en 1979, estimait qu’une année d’études en moins, c’était 20 % de revenus perdus sur l’ensemble d’une vie active. Un constat amer pour beaucoup de jeunes filles qui ont dû revoir leurs ambitions scolaires à la baisse, et entreprendre des études plus courtes alors qu’elles se destinaient à une formation d’excellence.

Pour assurer son développement économique, à l’horizon de 2050, l’Afrique doit pourtant former la main d’œuvre qualifiée dont elle aura besoin. L’ancien directeur de l’Agence française de développement, Jean-Michel Severino, estime que 450 millions d’emplois devraient être créés à cette échéance. Si seules 8,5 % des femmes sont officiellement salariées dans l’économie, selon l’analyste Anne Bioulac, pour Women in Africa, en 2019, elles contribuent pour 62 % à la production des biens économiques du continent.

 

Sur le terrain, les associations s’engagent

Des organisations non gouvernementales et des fondations s’investissent depuis plusieurs années dans l’éducation des filles du continent africain.

Au Burkina Faso, Res Publica a mis en place il y a 20 ans un plan de scolarisation des filles qui prévoit la construction de 16 nouveaux établissements, de la maternelle au lycée – avec trois internats féminins. Ces établissements ont été mis à la disposition du ministère de l’Éducation nationale burkinabé, qui y a nommé des enseignants. L’association, de son côté, prenait en charge les frais de scolarité des enfants les plus défavorisés et mettait en place des cantines gratuites, animées par les femmes du village. Depuis lors, la parité filles-garçons est assurée dans les écoles et les résultats scolaires ont progressé de 30 %. Mais seulement 40 % des fillettes scolarisées poursuivent leurs études secondaires, et seules 4 % atteignent l’enseignement supérieur.

 

Au Maroc, l’association Relais Instruction Éducation Maroc (RIM), en partenariat avec l’ONG Aide et Action, a déjà construit 24 classes de maternelle, où sont scolarisés plus de 3 000 enfants, dont une moitié de filles. Le développement de cette offre d’éducation pour les tout-petits permet de lutter contre les retards d’apprentissage. Aujourd’hui, les enseignants observent un réel changement. Entré à l’école à l’âge de 3 ans, un enfant de 6 ans sait lire et écrire et peut poursuivre ses études à l’école primaire. Un cercle vertueux qui permet désormais aux fillettes de boucler, elles aussi, le cycle primaire.

 

En Éthiopie, The Luminos Fund a mis en place un programme qui permet de rattraper trois années de scolarité en dix mois. Depuis 2011, 10 000 enfants bénéficient chaque année de ce programme accéléré. Même pendant la période de confinement, seuls 2 % des enfants scolarisés avaient décroché. Des classes de seconde chance ont été créées pour les enfants – le plus souvent des filles – retenus par les travaux des champs ou de la maison, dans l’impossibilité de suivre un cursus normal. Les enfants, choisis parmi les plus pauvres de cette région à 70 km au nord d’Addis-Abeba, affichent un taux très élevé de réussite et de réintégration dans le système scolaire classique.

 

Si le taux de scolarisation en primaire était, en 2015, de 80 % sur le continent africain, il reste, selon la Banque mondiale, encore beaucoup d’initiatives de ce type à mener pour que les 170 millions d’enfants à naître en zone subsaharienne puissent eux aussi, un jour, rejoindre les bancs de l’école.