Les « miss » du Tour de France : la fin d’une tradition sexiste
À l’issue de chaque étape du Tour de France, nous avions droit au même rituel : des jeunes femmes remettaient aux vainqueurs du jour leurs maillots (jaune, vert, à pois, etc.), un bouquet et une bise. Et depuis des années, cette tradition sexiste était décriée.
Ainsi, en 2019, Fatima Benomar, membre d’Osez le féminisme, expliquait pourquoi il fallait y mettre un terme :
« La cérémonie de remise de prix consiste à donner aux trois meilleurs cyclistes un bouquet de fleurs, une douche de champagne, un maillot de vainqueur et… des baisers sur les joues de la part de deux jeunes femmes ! Les baisers des femmes ne sont ni une décoration, ni un prix, les femmes ne sont pas des récompenses ! Elles sont des sportives, des athlètes, battent des records, peuvent monter sur les podiums et servir de modèles aux héroïnes en herbe. »
La même année, une pétition estimant que les femmes n’étaient « pas des objets, pas des récompenses » avait recueilli près de 38 000 signatures. Un cri de colère qui a fini par être entendu cette année. En effet, le directeur du Tour de France, Christian Prudhomme, a annoncé le 19 août qu’un duo d’hôtes mixte se substituerait désormais aux podiums 100 % « miss » à la fin de chaque étape. Une révolution dans le milieu de la petite reine…
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Maths pour filles, maths pour garçons ?
Tout est parti d’un message sur WeChat, le populaire réseau social chinois, rapporte ActuaLitté. Affichant un sexisme sans complexe, la East China Normal University Press (éditeur de l’Université normale de la Chine de l’Est) présentait ses nouveaux manuels de mathématiques destinés aux collégiens : une version bleue pour les garçons et une version rouge pour les filles.
Ses ouvrages, au-delà d’une couverture différenciée, proposaient aussi des contenus distincts, conçus spécifiquement pour répondre aux « forces et aux faiblesses des différents sexes ». L’éditeur expliquait ainsi sa démarche : « La version masculine comprend du contenu plus ludique, car les garçons aiment jouer à des jeux, et pour les filles, nous avons des scénarios plus pratiques, comme l’achat de légumes et de fruits sur le marché. » Difficile de faire plus sexiste…
Comme le constate CBS News, si l’éditeur assure que le niveau de difficulté est similaire, un de leur post sur WeChat, désormais supprimé, était titré : « Ma fille est bonne en maths, donc je devrais acheter la version garçons. » Certains Chinois ont salué un manuel adapté aux aptitudes mais la plupart ont dénoncé ce concept sexiste, notamment sur le Twitter chinois Weibo. « Je crains que ma fille soit plus réticente à étudier les mathématiques une fois qu’elle aura vu ce livre. Elle pourrait penser qu’elle est née inférieure aux garçons en mathématiques », témoignait une mère de famille dans le journal Guanchazhe. L’université a fini par présenter ses excuses pour « l’impact négatif de cette affaire » et promet d’en « tirer des leçons ».
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Comment les femmes réagissent-elles face au sexisme ?
Chaque jour, des femmes subissent des propos et des comportements sexistes : harcèlement dans l’espace public, remarques déplacées au travail… Face à ces agressions, elles mettent en place différentes stratégies. Certaines choisissent de réagir à chaud et s’opposent ouvertement au sexisme en disant à leur interlocuteur que leurs propos ou comportements sont déplacés. Cependant, les études montrent que cette réaction n’est pas le recours le plus fréquent. Pourquoi ? Patricia Melotte, chercheuse au Centre de recherche en Psychologie sociale et interculturelle de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), a consacré sa thèse à cette question.
Dans un article paru cet été dans The Conversation, elle revient sur une expérience très intéressante réalisée auprès de plusieurs femmes confrontées au sexisme de leur interlocuteur. Après les avoir filmées et enregistrées à leur insu, elle a analysé leurs réactions. Il s’avère que « seule une minorité a dénoncé frontalement le caractère sexiste » des propos tenus, les femmes, contrairement aux hommes, n’étant pas encouragées à exprimer la colère.
Les normes émotionnelles genrées feraient donc obstacle à leur réaction face au sexisme. On attend des femmes qu’elles soient accommodantes et qu’elles considèrent les sentiments et besoins des autres en priorité par rapport aux leurs. La non-confrontation est conforme aux rôles qu’on leur attribue, tandis que la confrontation renvoie à l’image de femmes difficiles, agressives et hypersensibles.
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