C’est une histoire inspirante.
Alors qu’elle est encore étudiante à l’université américaine de Beyrouth, un de ses camarades lui montre une annonce de la compagnie aérienne, à la recherche de candidat·e·s pour piloter ses avions : « Regarde, MEA propose des sièges de pilotes aux femmes. Quelle blague ! Elles qui savent à peine garer une voiture ! ». Piquée au vif, Rola Hoteit lui lance un pari : « Postulons, et on verra bien ! ». Quelques semaines plus tard, elle est admise. Pas lui.
C’est ainsi que Rola Hoteit délaisse son parcours universitaire en mathématiques pour embarquer vers une voie qu’elle n’avait jamais envisagée. À contre-courant de la norme elle doit, comme toutes les pionnières, faire face à de nombreuses résistances. Notamment au sein de sa propre famille. Son père s’oppose fermement à sa vocation, mais aucun cyclone ne fait fléchir sa détermination. Aujourd’hui, le vent a tourné : elle fait sa fierté.
Rola Hoteit essuie aussi les critiques et les jugements acerbes des passager·e·s, et même des collègues, pas encore habitué·e·s à voir une femme aux manettes. Lors de son premier vol en tant que capitaine, un client mécontent demande à descendre de l’avion : « Mon dieu, le pilote est une hôtesse de l’air ! ». Par la suite, l’équipe de bord attendra la fermeture des portes avant d’annoncer son nom…
Pendant de nombreuses années, sa nature exceptionnelle lui impose un uniforme masculin. Mais le vent tourne à nouveau : elle est rejointe en 2016 par Erika Chbeir, puis en 2019 par quatre autre pilotes : Stephanie Kteily, Angela Mourad, Stephanie El Helou et Yara Darwhish. Ensemble, elles challengent les stéréotypes et en inspirent d’autres à investir le cockpit. Une exemplarité encouragée par le capitaine Ahmad Mansour, chef des opérations de MEA : « En dépit de notre culture qui voit l’aviation comme une carrière masculine, nous croyons au potentiel des femmes. Le poste ne demande pas de muscles. Les candidat·e·s, peu importe qu’elles/ils soient hommes ou femmes, doivent avoir la passion du vol, les compétences et la réactivité pour réagir comme il se doit, notamment face au stress ».
Cette culture dont parle le capitaine Ahmad Mansour, qui tend à conjuguer certains métiers (notamment les plus prestigieux) au masculin n’est pas propre à la société libanaise, elle est mondiale. Au global, on ne compte en moyenne guère plus de 3% de femmes pilotes dans le monde. Elle ne se limite pas plus au monde de l’aviation : dans le ferroviaire aussi, les défis de la féminisation des métiers perdurent… Heureusement, chez SNCF comme ailleurs, les tendances évoluent dans le bon sens. Le monde change vers plus de mixité, sur les rails… Comme dans les airs !